Du 27 au 29 mai,
la ville de Saint-Émilion accueille la 5ème édition du festival Philosophia.
De la pensée en actes avec des ateliers, des conférences, des lectures de grands textes autour d'un thème : le temps. Rien à voir donc avec la minute philo des télés et radio. L'occasion pour Evene de savoir à quoi servent vraiment ceux que Raphaël Enthoven nomme, en proie à une saine autodérision, « les philosophes de service » ?
Il est de toutes les émissions, à la radio, dans les journaux, à la télévision. Qui ? Le philosophe de service. Souvent flanqué du religieux, du psy ou du scientifique de service. Sa mission ? Apporter son « éclairage » sur des sujets qui, quoi qu'ils échappent à sa compétence, requièrent, bizarrement, son opinion. Le portrait est savoureux, peu flatteur à l'égard du penseur contemporain et inaugure étrangement le dernier livre de l'un des plus célèbres d'entre eux : Raphaël Enthoven. Un texte inattendu dans lequel le charmant philosophe, qui semble habituellement ravi de partager son savoir sur Arte, France Culture ou dans les nombreuses émissions qui le sollicitent, confesse finalement sa peine et décrit – avec une minutie et un humour proches de ceux que Sartre employait face à son garçon de café - la dimension grotesque de sa fonction. Qu'est-ce qu'un « philosophe de service » dans la société actuelle ? Un intellectuel qui élève le débat ou le « dindon de la farce » que personne n'écoute ? Pourquoi l'invite-t-on à toutes les émissions et qu'attend-on de ses interventions ?
Un philosophe dans le décor
Il est de toutes les émissions, à la radio, dans les journaux, à la télévision. Qui ? Le philosophe de service. Souvent flanqué du religieux, du psy ou du scientifique de service. Sa mission ? Apporter son « éclairage » sur des sujets qui, quoi qu'ils échappent à sa compétence, requièrent, bizarrement, son opinion. Le portrait est savoureux, peu flatteur à l'égard du penseur contemporain et inaugure étrangement le dernier livre de l'un des plus célèbres d'entre eux : Raphaël Enthoven. Un texte inattendu dans lequel le charmant philosophe, qui semble habituellement ravi de partager son savoir sur Arte, France Culture ou dans les nombreuses émissions qui le sollicitent, confesse finalement sa peine et décrit – avec une minutie et un humour proches de ceux que Sartre employait face à son garçon de café - la dimension grotesque de sa fonction. Qu'est-ce qu'un « philosophe de service » dans la société actuelle ? Un intellectuel qui élève le débat ou le « dindon de la farce » que personne n'écoute ? Pourquoi l'invite-t-on à toutes les émissions et qu'attend-on de ses interventions ?
Un philosophe dans le décor
Ce sont des questions que je me suis longtemps posé », confie Raphaël Enthoven, entre deux plateaux télé. « Lorsqu'on me demandait 'le point de vue du philosophe sur…' l'amour, la bisexualité, l'arrivée du printemps ou les troubles de la digestion, j'ignorais ce qu'on attendait de moi. Jusqu'au jour où j'ai compris que j'étais avant tout une cosmétique qui décorait l'émission, la minute d'ennui collectif qui lui donnait un peu de cachet ». Un constat que partage le jeune écrivain et philosophe Charles Pépin. « C'est tout à fait ça ! », s'amuse-t-il. « Bien souvent, notre présence dans les émissions correspond à une simple nécessité d'équilibre de casting. Il faut un philosophe ». Le « P.S. », comme le surnomme Enthoven, se contente-t-il d'incliner la tête, de froncer les sourcils en se frottant la barbe, pour que le spectacle médiatique paraisse complet, aussi divertissant qu'instructif ? « Il y a en effet une pose à tenir », confirme Charles Pépin, rappelant une anecdote tirée du livre d'Enthoven. « J'étais avec lui, nous raconte-t-il, le jour où un magazine féminin nous a demandé de poser pour illustrer un dossier sur les philosophes du moment. Ollivier Pourriol, Cynthia Fleury, Vincent Cespedes, Raphaël Enthoven et moi-même défilions, la main sous le menton, pour jouer les philosophes ». Une posture typiquement française, selon le philosophe allemand en vogue Richard David Precht, auteur de 'L'Amour, Déconstruction d'un sentiment' (Ed. Belfond). Pour lui, « les philosophes médiatiques français sont avant tout des artistes du langage, ou au mieux des journalistes politiques. Personnellement, ajoute-t-il, je me définis à l'inverse comme un ingénieur de la pensée ».
Sus au « philo-thérapeute »
Comment échapper à un tel procès tout en conservant sa notoriété ? Comment s'adresser au « peuple » – comme le faisait Socrate dans les rues d'Athènes – sans vendre sa sagesse au diable de la frivolité médiatique ? Une seule règle, pour Richard D. Precht, « accepter le mandat du philosophe, qui consiste à ouvrir les disciplines et à s'intéresser aux sujets importants pour la société. Mon dernier livre, poursuit-il, parlait d'amour, le prochain parlera de politique. Il faut aider les gens, leur donner des repères dans cette jungle sociale ». Pour Charles Pépin, c'est tout le contraire ! « Le plus grand danger pour le philosophe médiatique réside dans cette confusion entre philosophie et psychologie. La philosophie, insiste-t-il, n'est pas faite pour apporter des réponses ou pour rendre heureux. Elle pose au contraire des questions souvent angoissantes ». Pour cet auteur, donc, premier impératif catégorique : refuser la dangereuse étiquette du « philo-thérapeute ». Un filon que la chaîne TF1 a tenté d'exploiter, il y a quelques années, pour un concept d'émission avorté dont il devait être l'invité d'honneur. « Vous voyez Super Nanny ?, s'amuse-t-il. C'était la même chose, mais avec un philosophe ». Second impératif : n'accepter de se prêter au jeu de la « minute philosophique » qu'à la condition de ne pas être interrompu par le journaliste. Pour Charles Pépin, « si cette condition est respectée, on peut philosopher sur tous les sujets – l'actualité politique, sociale, les sujets de bac… - rapidement et sans jargon. On peut même, comme l'a un jour prouvé Luc Ferry chez Ardisson, raconter toute l'histoire de la philosophie en deux minutes » !
Service philosophique express
Service philosophique express
Un optimisme que nuance, pour sa part, Enthoven, pour qui ces interviews ne sont pas toujours propices au développement de la pensée philosophique. « En si peu de temps, je ne peux pas approfondir une notion. En revanche, je peux me faire le passeur de textes anciens comme ceux de La Boétie pour éclairer l'actualité du monde arabe, par exemple ». Un service philosophique express, donc, qui satisfait les « consommateurs », au-delà même de leurs attentes. « Les lecteurs ne trouveront pas, dans ces textes, les réponses apaisantes qu'ils recherchent. Mais y récupéreront un surcroît de doutes et d'inquiétudes et s'en porteront bien mieux ! » (Source: http://www.evene.fr/livres/actualite/raphael-enthoven-philosophe-tele-3254.php)
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